C’est une annonce qui est désormais réalité : la fin des contenus d’information de Facebook et Instagram au Canada. Les contenus d’information commencent en effet à être bloqués sur Facebook et Instagram au Canada, a annoncé ce mardi l’entreprise Meta, la maison mère des deux plateformes. Cette annonce n’est pas une surprise, Meta avait déjà annoncé en juin dernier qu’il bloquerait ces articles de presse sur ses plateformes en raison d’une nouvelle loi canadienne. Cette nouvelle législation oblige les géants d’internet à rémunérer les médias locaux pour la diffusion de leurs contenus. Un conflit similaire a eu lieu en Australie ces derniers mois. L’Europe pourrait-elle être la prochaine ?
Cette fois, c’est lancé ! Des premiers internautes canadiens ont remarqué qu’ils n’avaient plus accès aux contenus journalistiques sur leur profil Facebook. Ils ne peuvent plus, non plus, publier des liens menant à des sites de presse. Certains responsables de médias ont également perdu l’accès à leurs comptes.
Meta a confirmé dans un communiqué que le blocage progressif avait commencé et "devrait s’étaler sur plusieurs semaines", sans pour autant indiquer quand le blocage sera complet dans tout le Canada.
En cause, une loi canadienne qui doit entrer en vigueur en décembre prochain et qui obligera les géants du net à rémunérer les créateurs de contenus journalistiques pour la diffusion de ces articles sur les plateformes.
Très vives réactions des politiciens et médias canadiens
La première levée de boucliers est venue de Radio Canada, le média public canadien. "Les personnes vivant au Canada qui utilisent ces plateformes pour trouver et consulter des contenus d’information sur leur pays ne voient plus sur leur fil d’actualité que des sources d’information non vérifiée, a déploré la direction de Radio Canada dans un communiqué. Par conséquent, […] La décision de Meta de bloquer l’accès des Canadiens et des Canadiennes à des sources locales d’information vérifiée et digne de confiance est irresponsable et constitue un abus de sa position dominante dans le marché."
Pourquoi Meta a-t-il pris cette décision ?
Meta s’est défendu d’encourager la désinformation en retirant les contenus journalistiques de ses plateformes. "Nous continuerons à lutter contre la 'mésinformation', notamment grâce au plus important réseau mondial de vérification des informations pour toutes les plateformes en collaborant avec plus de 90 vérificateurs tiers indépendants partout dans le monde qui examinent et évaluent la mésinformation virale dans plus de 60 langues. Ainsi, nous continuerons à vérifier le contenu qui demeure accessible au Canada."
L’entreprise américaine précise avoir répété "à maintes reprises" que pour se conformer au projet de loi C-18, "le contenu partagé par les médias d’information, y compris les éditeurs de presse et les radiodiffuseurs, ne serait plus accessible aux utilisateurs de Facebook et Instagram au Canada." Autrement dit, Facebook ne peut pas payer ce que lui impose cette nouvelle loi.
Le monde politique canadien, qui est à l’origine de la loi s’est aussi indigné de l’annonce de Meta. La ministre canadienne du Patrimoine, Pascale St-Onge, a qualifié la décision d'"irresponsable". "Les géants du web préfèrent bloquer l’accès aux nouvelles pour leurs utilisateurs au lieu de payer leur juste part pour le travail des médias", a-t-elle déclaré.
Une presse libre et indépendante est fondamentale pour notre démocratie, et les Canadiens s’attendent des géants du web qu’ils respectent la loi dans notre pays. Le monde entier observe le Canada, car d’autres pays envisagent d’adopter une législation similaire pour relever les mêmes défis.
Pascale St-Onge, ministre canadienne du Patrimoine.
Et de fait, le Canada n’est pas le seul pays concerné par ce genre de conflit avec les géants du net.
La Californie également dans le viseur, l’Australie a négocié
En Californie également, un conflit similaire est en cours indique le site d’information canadien La Presse, sur base d’une dépêche de l’AFP. "L’assemblée de Californie a adopté un texte contraignant les grands réseaux sociaux à payer les médias d’information en échange du contenu partagé sur leurs plateformes, malgré la menace de Meta de se passer purement et simplement de ces articles, photos et vidéos."
En Australie, Google et Facebook se sont opposés longtemps avec le gouvernement australien avant qu’un accord soit trouvé, relate Radio Canada. Là encore, une loi australienne votée en février 2021 souhaitait faire contribuer les géants du net en échange des contenus générés par les médias australiens. Facebook et Google ont répliqué via des menaces de fermeture des services. Radio Canada indique que Google avait même laissé entendre qu’il bloquerait son moteur de recherche en Australie. Facebook, de son côté, avait bloqué tous les liens menant à des médias d’information, comme il le fait aujourd’hui au Canada.
Ce blocage avait duré cinq jours. Une négociation entre Facebook et le gouvernement australien s’était ouverte et Facebook a retiré le blocage. "Facebook a même admis publiquement qu’il était allé trop loin en bloquant l’accès au contenu d’actualité", explique Radio Canada. Des accords individuels ont été conclus avec les médias. Radio Canada indique que l’accord atteint 200 millions de dollars canadiens, soit 136 millions d’euros. "Depuis, la situation financière des médias australiens s’est considérablement améliorée", note le média public.
Car derrière ces conflits, c’est le financement du journalisme qui se discute.
Le grand débat du partage des revenus publicitaires
La législation canadienne a pour but avoué de soutenir la viabilité financière des organismes de presse. D’un côté, la presse locale et nationale accuse les géants du net de leur soutirer des milliards de dollars de recettes publicitaires. En effet, si une plateforme comme Facebook attire de nombreux utilisateurs, notamment grâce à la qualité des contenus proposés par des médias, les clics (et donc les revenus publicitaires) arrivent chez Facebook.
Selon le sénateur québécois Marc Gold, cité par Radio Canada, près de 500 médias ont fermé au Canada depuis 2008 et 20.000 journalistes ont perdu leur emploi.
Mais Meta réfute l’argument. "La législation est basée sur la prémisse erronée que Meta bénéficie injustement du contenu d’actualité partagé sur nos plateformes, alors que c’est l’inverse qui est vrai", peut-on lire dans un billet de blog publié mardi par Meta. "Les organes de presse partagent volontairement du contenu sur Facebook et Instagram pour élargir leur audience et aider leurs résultats." De fait, pour un média d’information, plus de la moitié des visiteurs totaux provient de Google et Facebook.
Selon Marc Dinsdale, son responsable des partenariats avec les médias de Meta, seules 3% des publications vues par les abonnés contiennent des liens vers des articles journalistiques. Une responsable de l’entreprise a estimé que les informations journalistiques "n’ont tout simplement pas beaucoup de valeur commerciale ou économique pour notre entreprise".
Une obligation similaire en Europe ? Et quelle réponse de Facebook ?
En Europe, bien que deux directives importantes pour les services numériques soient en cours d’aboutissement législatif (la Digital Service Act, DSA, et la Digital Market Act, DMA), il ne semble pas qu’elles prévoient la contribution financière des plateformes numériques en échange de la diffusion de contenu journalistique.
Si une disposition similaire existe, elle est plutôt à chercher du côté de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique et son article 15. Une porte-parole de la Commission européenne nous l’explique en ces termes.
Les éditeurs de presse se voient accorder le droit exclusif d’autoriser l’utilisation du contenu de leurs publications de presse par des services en ligne. Les plateformes en ligne ne peuvent utiliser le contenu des éditeurs de presse que si elles ont été autorisées par les éditeurs à le faire et qu’elles les rémunèrent. L’article 15 n’empêche toutefois pas les éditeurs de presse d’accorder des autorisations gratuites.
Un porte-parole de la Commission européenne.
Autrement dit, si un média décide de publier un article de presse ou une vidéo sur Facebook, ce média le fait de sa propre initiative, sans négocier de rémunération à Facebook au préalable. C’est ce qui se passe, de fait, tous les jours dans les médias traditionnels européens et nous sommes donc loin du scénario canadien dans lequel Facebook devrait rétribuer les éditeurs de presse, de manière automatique et à large échelle, pour leurs contenus.
Aucun changement législatif n’est en prévision selon ce porte-parole de la Commission européenne. "La Commission considère qu’il serait prématuré d’envisager de nouvelles actions au niveau de l’UE, avant d’être en mesure d’évaluer les effets des règles actuellement mises en œuvre."
Le DMA doit garantir par ailleurs des "conditions générales d’accès équitables, raisonnables et non discriminatoires" sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche en ligne. Autrement dit, les plateformes ne pourraient en théorie pas bloquer l’accès à un média. "La Commission européenne est en contact étroit avec Meta sur les préparatifs de mise en conformité avec le DSA et le DMA, mais ne peut pas divulguer le contenu de ces discussions", nous indique encore ce porte-parole de la Commission européenne.
De son côté, Meta, que nous avons contacté, a simplement répondu que le sujet du blocage de contenus journalistiques ne concernant que le Canada et qu’il s’agissait "de la seule information que nous pouvons vous donner".
Author: Lauren Jordan
Last Updated: 1703586721
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